jeudi 14 juin 2012

Marduk / Serpent Sermon





MARDUK est l’archétype du groupe qui fait trop bien les choses. Serpent Sermon est le douzième album du groupe suédois emmené par le guitariste Morgan Hakanssonn, seul survivant du line-up originel et dictateur plénipotentiaire de Marduk. Un groupe terriblement efficace dont la musique – du black metal m’a-t-on dit – est du genre guerrier avec parfois une pointe d’emphase.
Lorsqu’on affirme que Marduk fait trop bien les choses, un euphémisme pour ne pas dire que la bande à Hakansson en fait beaucoup trop, on veut dire par là que Serpent Sermon est un album bien trop surproduit. On parlerait de hardcore, le nom de Converge viendrait immédiatement à l’esprit ; on parlerait de death metal c’est à Dying Fetus que l’on penserait aussitôt. C'est-à-dire des groupes qui chacun dans leur genre ont pu être excellents voire presque géniaux dans le passé – dans le cas de Marduk : les albums Heaven Shall Burn… When We Are Gathered en 1996 et Panzer Division Marduk en 1999 – mais qui depuis peinent à renouveler l’intérêt qu’ils ont un temps suscité. On admet que les albums Plague Angel (2004) et Room 5:12 (2007), tous deux marqués par l’arrivée de l’incroyable Mortuus au chant, ont temporairement remis les pendules à l’heure.
Mais on constate que sur la longueur nombre d’enregistrements de Marduk ne tiennent par leurs promesses. Et c’est bien le cas de ce Serpent Sermon qui démarre très mal avec le morceau titre, bien trop lyrique et se terminant en queue de poisson. Des débuts qui n’augurent rien de bon pour la suite c'est-à-dire dix titres d’un black metal ripoliné et astiqué sous tous les angles, extrêmement rapide et brutal mais assez efficace y compris lorsque Marduk passe à un registre plus lent.
On voudrait bien apprécier ce Serpent Sermon, sa violence prémâchée, son nihilisme vendeur et sa haine esthétisée tupperware. Cela aurait un côté presque reposant, comme de glandouiller devant un écran d’ordi pour jouer à tuer le plus de monde imaginable en le moins de temps possible. Mais on n’y arrive pas parce qu’il n’y a pas une once d’humain là dedans. On ne regrette pas la misanthropie et le nihilisme (supposés ?) de Marduk, non, on regrette simplement l’impression que ce ne sont pas des êtres humains qui jouent sur le disque mais des machines parfaitement programmées. La plupart des riffs de Morgan Hakanssonn sont assemblés au protool (ou un truc de ce genre), la basse est elle la plupart du temps quasiment inexistante et le batteur, tellement efficace et prévisible, est imbitable – il réussit l’exploit d’être encore plus lassant qu’une boite-à-rythmes, à tel point qu’on finit par se persuader que s’en est bien une que l’on entend sur l’ensemble de Serpent Sermon (et donc merci les batteries triggées). Seul Mortuus s’en sort avec quelques honneurs, mais de justesse.
Sans non plus regretter le son true et crade type Darkthrone on aurait préféré un enregistrement et des prises de risques davantage portés sur quelques aspects plus « vivants ». Ce n’est pas parce qu’on parle de mort, de destruction, de haine et de détestation à longueur de compositions que l’on doit obligatoirement enregistrer sa musique dans un laboratoire high-tech avec une mentalité de Terminator nazi comme seule manière de voir les choses.
Tout de même meilleur que son prédécesseur direct (Wormwood en 2009) Serpent Sermon est un album tellement ajusté et formaté qu’il peut en devenir affreusement banal. Il y a des jours où il semble même particulièrement détestable, à mille lieues de toute créativité ou seulement de tout plaisir de jouer – ah oui, j’avais encore oublié : la notion de plaisir est absolument étrangère à tout bon groupe de black metal qui se respecte…

[Serpent Sermon est publié en CD par Nuclear Blast – une version limitée propose un titre bonus et un livret de quarante pages]