vendredi 15 juin 2012

Woland Athletic Club / Marguerite






Les sept compositions de Marguerite, tout premier album de WOLAND ATHLETIC CLUB, ont été enregistrées il y a plus de quatre ans, en 2008… Entre temps la sortie du disque a été maintes fois repoussée, les titres ont été travaillés et retravaillés puis mixés par des mains expertes (Clément Edouard de Lunatic Toys, IRèNE et Loup s’est personnellement occupé du cas de quatre d’entre eux) et, enfin, Marguerite a vu le jour au mois de mai 2012, sur Carton records, le label de Seb Brun, egalement batteur de W.A.C.
De là à penser que la création du label est en partie due à ce genre de galères imposant in fine la sacro-sainte règle de conduite du fais-le toi-même en vigueur dans les milieux punk/DIY, il n’y a qu’un pas que je franchis allégrement. Il m’a en effet semblé que la parution même tardive de Marguerite était vécue comme un soulagement.
Se soulager ne signifie pas se débarrasser et Marguerite n’est pas un disque bâclé, au rabais ou même dépassé. Il est même d’une fraicheur et d’un bienfait étonnants. Marguerite est surtout bourré de surprises, de fantaisies et d’un bel esprit de liberté. Peut être que quatre ans après les trois membres du Woland Athletic Club n’en peuvent plus d’entendre ces bandes mais le fait est qu’une oreille neuve n’ayant jamais rien entendu du groupe et ne l’ayant jamais vu non plus en concert ne pourra qu’apprécier l’à-propos d’un disque la plupart du temps vigoureux et drôle, insolite et impertinent, dynamique et exigeant, absurde et enjoué.
W.A.C. est composé de Nicolas Stephan (saxophone alto, voix, glockenspiel, etc), d’Antonin Rayon à l’orgue Hammond et au piano électrique et (donc) de Sébastien Brun à la batterie et deux ou trois autres trucs dont il a aussi le secret. Dans le livret de Marguerite il y a également un quatrième membre de mentionné, Anne-Sophie Arnaud, créditée aux « excentricités corporelles et acte théâtral » (sic) mais évidemment on ne l’entend pas sur le disque (à moins que ce ne soit elle sur Lip 1 ?).
Ce que l’on entend c’est tout d’abord une voix et un inventaire à la Prévert (Le Coup Du Bocal) énumérant toutes les espèces de chevaux pouvant batifoler sur terre et surtout ce que l’on peut faire avec (ou pas). Une introduction qui ne laisse rien voir de l’enjouement à tiroirs de Revolution, sorte de chanson disco dada sauce Sparks traversée par des poussées d’étrangeté que n’aurait pas reniées un Robert Wyatt un peu déridé. Avec Question Mark W.A.C. change à nouveau d’optique, désormais nettement plus jazz et constellée de cassures et autres changements de direction… enfin ça c’est ce que l’on croit jusqu’à ce passage chanté lui-même perturbé par un immense trou d’air fait de pointillés, de bruissements et de chuchotements d’instruments, etc (car Question Mark est loin d’être terminé).
Sur Marguerite on ne sait jamais à l’avance où les trois musiciens de Woland Athletic Club vont nous emmener – et ça c’est vraiment très bien – mais surtout ils ne nous emmènent jamais n’importe où – ce qui est encore mieux : la fantaisie sans cesse jubilatoire et décalée de cette musique semble sans limite. On pense une nouvelle fois un peu à Robert Wyatt pour Lip 1 et on trouve en définitive que W.A.C. n’est pas si éloigné de l’esprit d’un Volcano The Bear, dans une version certes plus (jazz et) progressive : même façon de détourner des idiomes musicaux préexistants sans manifester la volonté de les ridiculiser, même inventivité permanente, même sens théâtral de l’absurde… les points communs sont nombreux mais les résultats restent différents, Woland Athletic Club conservant un sens de la fraicheur que les années ont eu tendance à affecter chez leur homologues anglais.
Seul Du Rafting Dans Les Ruelles se révèle un peu trop longuet alors que Nÿu semble lui uniquement sous la seule influence d’Ellery Eskelin/Andrea Parkins/Jim Black mais là c’est vraiment un moindre mal. Au passage on apprécie également que W.A.C. réhabilite ce bon vieil orgue Hammond B3 qui d’habitude sonne toujours un peu trop daté à nos oreilles – et comme c’est bon parfois d’avoir tort, merci Laurens. Ich Liebe Dich, Ich Liebe Dich